Les perdants magnifiques
J’ai tenté, pour ma sélection, de grouper 5 films autour de la thématique du perdant magnifique, celui ou celle qui gagne sans jamais gagner totalement, et qui perd sans ne jamais vraiment perdre non plus. Bon(s) film(s)!
« Miron : un homme revenu d’en dehors du monde » - Simon Beaulieu
“Me voici en moi comme un homme dans une maison qui s'est faite en son absence”. Ainsi Gaston Miron ouvrait-il son L’homme rapaillé, paru en 1970, voué à devenir objet de culte de la littérature québécoise et à faire du style “abracadabrant” de Miron l’un des plus imités par les générations d’auteurs subséquentes.
Et c’est justement cette idée d’absence qui hante ce film une heure durant, à travers l’échantillonnage et la manipulation de séquences d’archives; l’absence du poète, en premier plan, bien sûr, mais aussi celle du projet d’avenir auquel il travaillait avec tant d’autres battants de sa génération: ce fantôme du futur proche d’une indépendance nationale jamais accouchée, et leur présences jointes dans l’absence, Miron et le Québec, les Québécois à travers leur poète, le Poète à travers les Québécois, revenus d’en-dehors du monde tous ensemble.
Je me souviens avoir vu ce film pour la première fois à l’été 2014 pendant une représentation en plein air au Parc Laurier, à Montréal, et d’être happé par la charge poétique de l’alliage des paroles du poète aux différentes images extraites par le cinéaste retraçant, calquant sur la pellicule, l’histoire personnelle de Miron, l’Histoire du Québec moderne et son héritage culturel via le trésor national qu’est les bandes de l’Office National du Film.
Si le biopic est en quelque sorte toujours gorgé d’une certaine spectralité, puisqu’on évoque celui ou celle qui n’est plus via le son et l’image, faisant apparaître ce qui est absent, « Miron : un homme revenu d’en dehors du monde » est un des biopics les plus spectraux qu’il m’ait été donné de voir; ce revenant d’en dehors du monde, lui et tous ceux-là invoqués de façon magnifique par Simon Beaulieu afin de venir contempler une fois pour toute la maison qui s’est faite en leur absence. Peut-être là trouveront-ils dans le regard du spectateur, deux spectres se dévisageant ainsi jusqu’à ne plus se reconnaître, ou presque.
c’est justement cette idée "d’absence" qui hante ce film une heure durant, à travers l’échantillonnage et la manipulation de séquences d’archives; l’absence du poète, en premier plan, bien sûr, mais aussi celle du projet d’avenir auquel il travaillait avec tant d’autres battants de sa génération...