Après les mots (After Words), le dernier programme #EntreVU de VUCAVU en2017, a été créé par la conservatrice invitée et artiste expérimentale torontoise Francisca Duran. Dans ce programme, vous découvrirez un essai et une sélection de films qui forment un échantillon représentatif du cinéma expérimental canadien. Duran a sélectionné cinq films de notre catalogue et sont essai qui les accompagne explique comment ces artistes reflètent et réagissent à leurs mondes réels et/ou imaginaires par l’entremise du cinéma, des archives et des images en mouvement. Avec son programme, Duran invite le spectateur à considérer la façon dont les sujets de ces films utilisent souvent un langage visuel pour communiquer un sens qui va au-delà des mots.

 
 
Photo of Franci Duran, by Michael Barker (michaelbarker.ca)

Francisca Duran
Cinéaste


"Après les mots"
Essai par Francisca Duran

Francisca Duran (maîtrise en beaux-arts, profil cinéma de l’université York; baccalauréat en arts [avec distinction], profil études cinématographiques de l’université Queen’s University) est une artiste expérimentale torontoise. Ses œuvres d’images en mouvement marient les formats numériques et analogues, explorant les points d’intersection de la mémoire, l’histoire, la politique, l’autoritarisme, la technologie, des textes et des archives familiales et publiques. Son travail a été présenté nationalement et internationalement dans de nombreux festivals de films, galeries d’art et projections collectives. Elle a été soutenue par divers conseils des arts.

Née au Chili en 1967, Francisca est arrivée au Canada en tant que réfugiée immédiatement après le coupmilitaire de 1973 qui a renversé le régime du président élu Salvador Allende. Elle a grandi dans un milieu de classe moyenne à Toronto-Nord et a également vécu au Royaume-Uni, à Vancouver et à Kingston. Francisca a travaillé comme graphiste, comme professeure auxiliaire dans des universités et des collèges du Grand Toronto, et comme gestionnaire dans le domaine des arts. Francisca continue de recevoir du perfectionnement professionnel de la part de centres d’artistes autogérés comme LIFT et Gallery 44.

Après les mots (After Words) 
Essai par Francisca Duran 

Notes de programme
Ce programme consiste en cinq films expérimentaux réalisés par des femmes entre 1973 et 2016. Ces œuvres sont représentatives de, et ont influencé le paysage de l’art de l’image en mouvement au Canada. L’arrangement final n’est pas chronologique. Les films sont plutôt positionnés afin que le programme se termine dans un espace que je considère être après les mots ou tout juste au-delà des conventions de langage. Ensemble, ces films ont une résonance et une réciprocité.

Toutes les œuvres abordent l’idée de regarder derrière soi et de fait, la mort de ces moments, car bien sûr, c’est ce que toutes les créations utilisant un objectif et étant basées sur le temps font. Toutes les œuvres explorent un certain genre de récupération, le dévoilement de vérités et d’un passé récurrent même s’il est inaccessible, éphémère, perdu. Les mots peuvent manquer et se transformer quand les peurs abondent. Des traces demeurent lorsque les autorités tentent de dissimuler leurs politiques et leurs actions ou quand une maladie emporte quelqu’un. Les artistes peuvent trouver et interpréter ces preuves, puis présenter un point de vue extérieur aux moyens de production prescrits ou normatifs.

Chacune des œuvres pose des questions à propos de la politique, de l’endroit, de l’esthétique, de l’art et des moyens de production. Ces interrogations sont tissées dans la forme de chaque œuvre par un processus de transformation complexe et laborieux. Ce sont des cas particuliers, étrangers. Les décisions formelles sont influencées par à la fois une réaction et un rejet de l’esthétique conventionnelle et la réalité des limites financières qui accompagnent le travail en marge des courants dominants.

Les mots peuvent manquer et se transformer quand les peurs abondent. Des traces demeurent lorsque les autorités tentent de dissimuler leurs politiques et leurs actions ou quand une maladie emporte quelqu’un.
Image fixe de "Solidarity", Joyce Wieland, 1973 (CFMDC)

Image fixe de "Solidarity", Joyce Wieland, 1973 (CFMDC)

Solidarity de Joyce Wieland

Solidarity documente une manifestation en soutien aux ouvriers en grève de l’usine de biscuits Dare à Kitchener en avril 1973. Les ouvriers, 95 % desquels étaient des femmes, faisaient la grève afin d’obtenir des conditions de travail décentes et l’égalité salariale. Ce film poétique est une distillation parfaite d’un moment, son propre microcosme et musée. Le mot solidarity (« solidarité ») s’affiche en superposition au centre de l’écran et y demeure durant tout le film, ancrant les éléments sonores et visuels. La piste audio comprend des bruits ambiants de foule, des slogans de protestation énergiques et un discours livré par un membre du comité de grève de Toronto. Alors que la caméra de Wieland déambule à travers la foule, le point de vue est bas, observateur et intime : des pieds sales et boursouflés, des souliers propres, des bottes de travail, des sandales, des souliers de marche, des pattes de chien, la roue d’une poussette, des flaques d’eau, du gazon, du ciment, des déchets, des gouttes de pluie. En réduisant les individus majoritairement à leurs pieds, la cinéaste accentue et célèbre le travail collectif et partagé du groupe qui est assemblé, rejetant la notion que les structures oppressives peuvent seulement être renversées par des actes héroïques individuels.

Joyce Wieland (1931–1998) était une cinéaste expérimentale, une artiste multimédia, une féministe et une des artistes les plus importantes au Canada.

En réduisant les individus majoritairement à leurs pieds, la cinéaste accentue et célèbre le travail collectif et partagé du groupe qui est assemblé, rejetant la notion que les structures oppressives peuvent seulement être renversées par des actes héroïques individuels.

Confessions of a Compulsive Archivist de Mary J. Daniel

Confessions of a Compulsive Archivist est un documentaire autobiographique à propos du déclin des fonctions cognitives dû à la démence fronto-temporale de la mère de la cinéaste. Confessions of a Compulsive Archivist utilise des images trouvées, de l’animation sans caméra et une narration en voix hors-champ s’adressant directement au spectateur afin de tracer un portrait de l’imagination, de la perte et de la guérison. Daniel décrit ses tentatives de fouiller et d’organiser ses propres archives et celles de sa mère, et cette activité laborieuse agit comme une métaphore du deuil et de la perte. Daniel a réalisé Confessions of a Compulsive Archivist dans le cadre de sa thèse de maîtrise en beaux-arts, et il s’agit une des parties de Pictures of Things That Aren't There, une série d’œuvres autoethnographiques. La série et son caractère économique (fait à la main, ultra petit budget, matériel retrouvé) peuvent être considérés comme un hommage à la philosophie de débrouillardise de la mère de Daniel, cultivée alors qu’elle grandissait en Angleterre après la Seconde Guerre mondiale. 

Confessions of a Compulsive Archivist comprend trois parties. Dans la première partie, Daniel présente des claquettes et des chutes numérisées du premier film qu’elle a tourné à l’université Simon Fraser. La deuxième partie est animée et consiste en une succession d’objets physiques numérisés : des patrons de couture des années 1960 et 1970 que Daniel doit organiser. L’animation lente nous permet d’inspecter les détails des pochettes des patrons de couture : une main portant un gant, le pli d’une jupe, la typographie, des symboles et des textures imprimées en demi-ton. Daniel tente de déchiffrer le système de catalogage de ces patrons. Dans la troisième partie, Daniel relie les deux sections précédentes et inclut des photos d’elle-même enfant et adulte; ces dernières contrastent avec les gestes et les poses féminisées des femmes sur les pochettes des patrons. 

Mary J. Daniel (née en 1963) est une artiste queer qui vit actuellement à Toronto.

La série et son caractère économique (fait à la main, ultra petit budget, matériel retrouvé) peuvent être considérés comme un hommage à la philosophie de débrouillardise de la mère de Daniel, cultivée alors qu’elle grandissait en Angleterre après la Seconde Guerre mondiale.
Still image from "Girl From Moush", Gariné Torossian, 1993 (CFMDC)

Still image from "Girl From Moush", Gariné Torossian, 1993 (CFMDC)

 Girl From Moush de Gariné Torossian

Girl From Moush est un documentaire impressionniste à propos du lien profond entre une jeune femme et l’Arménie, son pays d’origine où elle n’est jamais allée. Le film est un assemblage d’images en mouvements et de sons rappelant les collages de Schwitter ou Picasso. Les images consistent en une série d’éclats de lumière irréguliers et superposés qui clignotent, compliquant nos efforts pour en saisir le contenu : des pages de livres, des peintures, des églises, une femme, un homme barbu… Les images sont accompagnées d’un paysage sonore de chansons traditionnelles arméniennes, d’enregistrements d’archives et d’un appel téléphonique récurrent par la cinéaste alors qu’elle tente sans succès de joindre quelqu’un en Arménie.

L’effet de collage en mouvement du film a été créé en coupant de la pellicule super 8mm et 16mm, en la collant sur de la pellicule transparente, puis en filmant le résultat à nouveau. Les images montrent l’artiste, des photos d’églises arméniennes dans de vastes paysages, et les objets artistiques et littéraires qui entouraient Torossian durant sa jeunesse. L’image récurrente de l’homme barbu est celle du cinéaste dissident Sergei Parajanov, qui a été emprisonné durant le régime soviétique. L’Arménie a été occupée par les empires russe, ottoman et soviétique avant de redevenir une république en 1991. La signification précise du contenu et son contexte historique est possiblement seulement vraiment compréhensible pour la diaspora arménienne, mais le film est néanmoins fascinant et les points d’intersection où les archives familiales et publiques se chevauchent sont toujours des espaces pleins de sens. 

Gariné Torossian (née en 1970) est une cinéaste et artiste visuelle qui vit actuellement à Toronto et Yerevan.

La signification précise du contenu et son contexte historique est possiblement seulement vraiment compréhensible pour la diaspora arménienne, mais le film est néanmoins fascinant et les points d’intersection où les archives familiales et publiques se chevauchent sont toujours des espaces pleins de sens.
Still image from "In Still Time", Leslie Supnet, 2016 (Winnipeg Film Group)

In Still Time de Leslie Supnet

In Still Time est un film abstrait critiquant notre incapacité et notre réticence à comprendre et agir face à l’horreur et l’injustice de la guerre et de la crise humanitaire en Syrie. Le film soutient à travers sa forme et sa structure que cette hésitation est partiellement due au déluge d’images et de sons distants et arbitraires qui saturent les médias. 

In Still Time est construit à partir de formes visuellement ambiguës composées de points de demi-teinte et de pixels. La continuité visuelle est créée à travers la similitude des formes, le déplacement des axes et les champs de couleur. Ces images ont été obscurcies par l’entremise d’un processus de ré-animation et sont contextualisées par un collage sonore d’entrevues empruntées à diverses sources en lignes. Supnet a sélectionné des images catastrophiques représentatives et emblématiques tirées des médias imprimés, de YouTube et de sources de nouvelles diffusées en ligne. Ces images ont été imprimées avec une imprimante couleur au laser sur du papier américain de format lettre où étaient collées plusieurs bandes de pellicule 16mm transparente. Les bandes de pellicule ont ensuite été réassemblées et filmées à nouveau. Ces transferts confèrent au matériel visuel son apparence unique.

Le collage sonore contient : des enregistrements des funérailles d’un martyr du district de Khalidiya, une entrevue avec l’avocat spécialisé en droits de la personne Razan Zaitouneh, un reportage d’Al Jazeera sur la sécheresse de 2009 en Syrie, une entrevue avec Fouad Ajami à propos de la rébellion en Syrie, une entrevue de Democracy Now avec le cyberactiviste Karam Nachar, une entrevue de Barbara Walters avec Assad, et une entrevue de Human Rights Watch avec un réfugié à propos de la nécessité des dangereuses traversées océaniques. Les images incluent : une fermière sur sa terre aride, une murale d’Assad criblée de balles, un enfant souffrant à la suite d’une attaque chimique, des édifices en ruine, un membre des Casques blancs transportant un enfant, et Aylan Kurdi, l’enfant qui s’est noyé dans la mer Méditerranée en 2015. Ces images ne sont pas identifiées à l’écran ou lors du générique de fin. La tension que Supnet génère en contrastant des images abstraites avec des éléments audio perceptibles est très efficace. Cela démontre notre désir de comprendre les images et nous rend alertes par rapport au contenu de la trame sonore. Cela consolide par ailleurs la proposition implicite que l’abstraction à travers la transformation et la juxtaposition et une réponse artistique crédible à la violence et la répression. Ou comme dit Supnet à propos du film : « Je regarde littéralement ces images de plus près avant qu’elles disparaissent, et je m’interroge sur la façon dont les images catastrophiques sont consommées ».1

Leslie Supnet (née en 1980) est une artiste de l’image en mouvement philippino-canadienne qui habite actuellement à Toronto.


 Supnet, Leslie. (2016). In Still Time. MFA Thesis.

comme dit Supnet à propos du film : « Je regarde littéralement ces images de plus près avant qu’elles disparaissent, et je m’interroge sur la façon dont les images catastrophiques sont consommées ».
Still image from "Afghanimation", Allyson Mitchell, 2008 (CFMDC)

Still image from Afghanimation, Allyson Mitchell, 2008 (CFMDC)

Afghanimation de Allyson Mitchell

Afghanimation est un film animé de protestation qui critique le rôle militaire du Canada en Afghanistan. Le film a été réalisé en hommage à l’art politique de Joyce Wieland critiquant la politique étrangère et, par sa motivation et sa forme, il nous ramène aux instincts esthétiques et politiques de Wieland.

Afghanimation est une œuvre d’animation image par image assemblée à partir d’images numériques transférées sur de la pellicule 35mm. Les images incluent une performance de la cinéaste qui commence par un œil de femme (un détail d’un tapis de guerre afghan) et se termine avec un mur couvert de journaux canadiens. La performance documente le recouvrement du tapis de guerre d’abord par une couverture faite à la main, puis par les journaux. Les tapis de guerre sont faits par des tisseurs anonymes, habituellement des femmes en Afghanistan et dans les régions voisines. Ils arrivent en Europe et en Amérique par l’entremise de routes commerciales « alternatives » et sont vendus à des collectionneurs. Le motif central sur le tapis est une femme et les icônes secondaires sont des armes de guerre. Le tapis de guerre est suspendu sur une couverture aux couleurs criardes faite à la main (un afghan). Mitchell place des bouts de couverture sur le tapis de guerre, recouvrant d’abord la femme, puis les armes en « recousant » cette couverture jusqu’à ce que le tapis de guerre soit complètement recouvert. Mitchell répare ensuite les journaux déchirés jusqu’à ce que la couverture disparaisse. Des intertitres alternent entre des textes ambigus et des déclarations politiques. Un riche mix audio d’effets singuliers, de narration en voix hors champ et de musique accompagne les images.

Mitchell décrit les origines de l’œuvre :

Afghanimation était une commande du CFMDC il y a dix ans pour un programme qui s’appelait Regeneration, où l’on demandait à des gens de réaliser un film en réponse à une œuvre fondamentale de la collection. J’ai été jumelé à Joyce Wieland. Il y a un lien évident entre nos pratiques et la façon dont elles s’intéressent au genre, à ce qui est domestique et à ce qui est politique. […] J’ai choisi de réinterpréter son film "Rat Life and Diet in North America". Il s’agissait d’un court métrage expérimental en protestation à la guerre du Viêt Nam et au complexe militaro-industriel. C’était en 2007 et l’armée canadienne était en Afghanistan depuis 2001, mais venait d’augmenter sa présence en 2006. Je ne confondais pas cet effort militaire avec celui au Viêt Nam, mais il y avait bien sûr des comparaisons. […] Le gouvernement Harper était déterminé à augmenter la présence militaire et les histoires que nous entendions aux nouvelles étaient louches et déroutantes. Cela semblait un moment opportun pour faire des liens avec le film de protestation de Wieland, comme méthode pour créer un discours.2

Allyson Mitchell est une artiste et éducatrice torontoise qui travaille dans une variété de domaines incluant la sculpture, les installations, l’art textile et l’animation.


​2 Duran, F. (2017, June 22). Email Interview with Allyson Mitchell.

Il s’agissait d’un court métrage expérimental en protestation à la guerre du Viêt Nam et au complexe militaro-industriel. C’était en 2007 et l’armée canadienne était en Afghanistan depuis 2001, mais venait d’augmenter sa présence en 2006. Je ne confondais pas cet effort militaire avec celui au Viêt Nam, mais il y avait bien sûr des comparaisons.

Après les mots.
Notes de programme et références


Art Gallery of Ontario. (1987). Joyce Wieland catalogue of the exhibition. Toronto: Key Porter Books.

Duran, F. (2017, 12 juillet ). Entrevue par courriel avec Mary Daniel.

Duran, F. (2017, 22 juin). Entrevue par courriel avec Allyson Mitchell.

Duran, F. (2017, 22 juin). Entrevue par courriel avec Leslie Supnet.

Daniel, Mary J. (2006). "Pictures of Things That Aren’t There". Thèse de maîtrise en beaux-arts.

Glassman, M. (2010). "Way Back Home: Finding the Girl from Moush in the Girl from Toronto". Récupéré le 13 juille 2017.  de http://www.cfi-icf.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=1105899&Itemid=1081&lang=fr

Lind, Jane, ed. (2010.) Joyce Wieland: Writings and Drawings 1952-1971. Erin, ON: The Porcupine’s Quill.

Supnet, Leslie. (2016). "In Still Time". Thèse de maîtrise en beaux-arts.

Zemans, J. (n.d.). "Joyce Wieland". Récupéré le 13 juilllet, 2017 de http://www.thecanadianencyclopedia.ca/en/article/joyce-wieland/

Allyson Mitchell. (n.d.). Récupéré le 13 juilllet, 2017 de  http://www.allysonmitchell.com/bio.html

Armenia. (2017,12 juillet). Récupéré le 13 juilllet, 2017 de  https://en.wikipedia.org/wiki/Armenia

Mary J. Daniel. (pas de date). Récupéré le 13 juilllet, 2017 de  http://www.cfmdc.org/filmmaker/5565

Gariné Torossian. (2017, 30 juin). Récupéré le 13 juilllet, 2017 de  https://en.wikipedia.org/wiki/Garin%C3%A9_Torossian http://www.cfmdc.org/filmmaker/862

Joyce Wieland. (2017, 12 juillet). Récupéré le 13 juilllet, 2017 de https://en.wikipedia.org/wiki/Joyce_Wieland

Weavings of War: Fabrics of Memory (commissaire : Ariel Zeitlin Cooke). (pas de date). Récupéré le 13 juilllet, 2017 de http://museum.msu.edu/?q=node%2F395