Non seulement était-ce la première fois où je voyais l’œuvre de Glenn dans un lieu public, c’était aussi la première fois où je voyais Kimutsiijut interagir avec une surface architecturale. Cette curiosité et la notion de devoir explorer prennent de l’ampleur dans les plus récentes installations de Glenn comme Iluani/Silami (It's full of stars), une animation/murale dans un conteneur, créée en 2021 pour l’exposition inaugurale de INUA à la galerie d’art de Winnipeg - Quamajuq. INUA, The Making of a Sealskin Spacesuit, et Iluani/Silami (It's full of stars) ont marqué de nouveau l’échange entre Jesse Tungilik et Glenn. Glenn a aidé à coudre The Making of a Sealskin Spacesuit de Tungilik, qui était inclus dans la murale de Iluani/Silami montrant un husky en habit d’astronaute, un clin d’œil à sa relation avec Tungilik. Kimutsik plongeait Glenn dans des discussions à propos de l’histoire, de la mémoire et de la résilience, et ces lieux de rencontre avec d’autres artistes autochtones permettaient de réévaluer l’œuvre de Glenn dans le contexte d’un vaste mouvement artistique autochtone.
La présentation suivante de Kimutsik à laquelle j’ai assisté était à la Toronto Art Fair en 2019 (ce n’était pas moi qui suivais Kimutsik, c’est l’œuvre qui me suivait). La Toronto Art Fair est un autre événement trépidant, semblable à la Nuit Blanche, mais avec une surabondance d’œuvres d’art. C’était la première fois où j’ai vu le traîneau à chiens de Glenn être projeté sur une peau de phoque. Jusque là, Glenn animait laborieusement au fusain la peau de phoque, le perlage et la texture des chiens qui courent, puis projetait l’œuvre sur un mur ou une toile. Il était logique que les chiens ne fassent qu’un avec la surface. C’était également une façon ingénieuse de prendre des installations de projection qui sont habituellement des projets publics pensés pour les galeries monolithiques et d’en faire quelque chose de plus modeste et intime (il suffit d’un projecteur). Ce fut un autre moment décisif dans la pratique de Glenn.
Il y a des liens entre les phoques, les trous dans la glace et les portails qui sont explorés dans la production culturelle inuite. Je ne connais pas assez le tout pour l’aborder en profondeur dans cet essai, mais quelqu’un de plus féru dans ce domaine pourrait créer une fantastique exposition sur ce sujet. Je peux néanmoins affirmer que les Autochtones perçoivent le temps et l’espace différemment que les Européens. Dans l’essai Aesthetics, Violence, and Indigeneity, Jolene Rickard raconte l’histoire d’un conférencier qui renverse de l’eau pour démontrer la conception du temps chez les Haudenosaunee, expliquant que « l’idée était que le temps en tant que représentation de la réalité est fluide, et non statique ou fixe. Inévitablement, une nouvelle compréhension du temps sera nécessaire afin de comprendre l’art provenant de la philosophie autochtone. »6 Ces portails découlent de la croyance de Glenn que les Kimutsiijut existent dans une autre dimension en tant que chiens fantômes, et qu’ils réapparaissent alors qu’il continue de construire des espaces autour d’eux, agissant comme un médium — à la fois au sens littéral et figuré. Ces peaux de phoque agissent en tant que voiles, ce qui est intéressant, car les peaux de phoque sont soigneusement choisies et rapportées de Terre-Neuve, où Glenn a grandi. Dans Tilllutarniit: History, Land, and Resilience in Inuit Film and Video, Heather Igloliorte suggère : « Peut-être que le cinéma est une façon pour tous les spectateurs d’entrer en contact avec un lieu qu’ils ne visiteront possiblement jamais... Ils ont la chance de faire l’expérience de quelque chose qu’une vaste distance géographique a toujours gardé loin d’eux. »7 En amenant les phoques de sa région d’origine jusqu’à ces espaces artistiques, il offre ce contact avec le territoire avec lequel il est familiarisé, qui sert de point d’ancrage pour ces esprits éphémères.
Peut-être que le cinéma est une façon pour tous les spectateurs d’entrer en contact avec un lieu qu’ils ne visiteront possiblement jamais... Ils ont la chance de faire l’expérience de quelque chose qu’une vaste distance géographique...