Ententes tacites : construire une intimité souveraine par la relation
(Un/spoken understandings: building sovereign intimacies through relation)
Marie-Anne, notre amitié est si aisée depuis notre rencontre à l’université l’an dernier. Nous avons partagé des conversations sur nos vies personnelles et nos relations, ainsi que sur nos intérêts communs en matière de diaspora, d’indigénéité, de langue, de terre, de lieu et de déplacement. Il semble approprié de réfléchir à la façon dont nous avons grandi en tant que collaboratrices créatives dans le contexte du projet Sovereign Intimacies, puisque les commissaires Jennifer Smith et Nasrin Himada se concentrent sur la relation comme thème principal. Dans « Un/spoken », cette relation se poursuit également dans les œuvres de Sébastien Aubin, Marissa Sean Cruz, Léuli Eshrāghi, Sky Hopinka, Francisco Huichaqueo et Karin Lee.
En réfléchissant aux œuvres que nous avons choisies, je me suis souvenu que Jen et Nasrin avaient mentionné certains textes qui leur venaient à l’esprit au cours de leurs recherches comme commissaires de Sovereign Intimicies, dont le livre « As We Have Always Done » par Leanne Betasamosake Simpson. Tout au long de son livre, Simpson s’appuie sur des expériences personnelles pour démontrer au lecteur les réseaux connectés de relations et les diverses formes et articulations que peut prendre la théorie. Ces expériences comprennent souvent une réponse affective qui sert de guide pour remettre en question les systèmes et les structures oppressives. Les films et vidéos de « Un/spoken » embrassent une réaction affective et nous montrent comment les théories de la relation sont inséparables des applications de ces principes.
Dans « Anti-Objects, or Space Without Path or Boundary », Sky Hopinka explore le lieu, l’histoire et les relations en se promenant à travers le langage, les sites architecturaux et la terre. Un enregistrement audio entre Henry Zenk et Wilson Bobb, l’un des derniers locuteurs de Chinuk Wawa à l’époque, est diffusé tout au long du film. Leurs conversations sont détendues et deviennent un espace d’intimité et d’apprentissage réciproque. Dans « Anti-Objects », les localités linguistiques et matérielles servent à illustrer une citation de l’architecte Kengo Kuma : « L’individu n’est pas un objet autonome et solitaire, mais une chose d’une étendue incertaine, aux limites ambiguës. Il en va de même pour la matière, qui perd beaucoup de son attrait dès lors qu’elle est réduite à un objet […] Le sujet et la matière résistent tous deux à leur réduction en objets. Tout est interconnecté et entrelacé. »1 Le film « Anti-Objects » fait référence au livre du même nom de Kuma et affirme que le langage, la terre et la culture sont vivants, actifs et entrelacés.
Le texte de l’Anti-Objet de Kuma apparaît plusieurs fois dans le film de Hopinka, une fois comme : « Nous ne serons connectés à l’environnement appelé nature sauvage que si l’on nous permet d’errer. »2 Dans leur vidéo « filiPINES », Marissa Sean Cruz crée un environnement numérique diasporique dans lequel il est possible de se promener. Cruz traite leur « relation avec [leur] père en tant qu’immigrant philippin, du traumatisme transgénérationnel et du paysage canadien. » 3 Dans « filiIPINES », elle nomme une tension résultant du traumatisme et de la survie dans son histoire familiale, désormais liée à la vie sur des terres volées, aux territoires qui s’appellent Canada à présent. Cela me rappelle Simpson qui réfléchit sur un texte de Mishuana Goeman, écrivant que Goeman « nous met au défi de construire une compréhension plus profonde de nous-mêmes en examinant nos propres relations au lieu et entre nous en dehors des constructions spatiales du colonialisme des colons. »4 Dans le processus de création de ce non-lieu, Cruz ne cherche pas à se faire une place pour elle-même ; il remet plutôt en question sa relation à la survie, à la migration et à la terre.
1 Kengo Kuma, Anti-Object: The Dissolution and Disintegration of Architecture, qtd. Sky Hopinka, “Anti-Objects, or Space Without Path or Boundary,” accessed October 26, 2020, http://www.skyhopinka.com/antiobjects-or-space-without-path-or-boundary.
2 Ibid.
3 Marissa Sean Cruz, “filiPINES - a preview,” Vimeo, accessed October 26, 2020, https://vimeo.com/376012460 .
4 Leanne Betasamosake Simpson, As We Have Always Done (Minneapolis: University of Minnesota Press, 2017), 196.
5 Melissa Gregg and Gregory J. Seigworth, “An Inventory of Shimmers,” in The Affect Theory Reader, ed. Gregg and Seigworth (Durham: Duke University Press, 2010), 1.
...Ces expériences comprennent souvent une réponse affective qui sert de guide pour remettre en question les systèmes et les structures oppressives.