Image d'en tête: Cathy Sisler, black hole, circa 2018, acrylique sur toile, 24 x 18 po

DIFFUSION EN CONTINU GRATUITE : 28 OCTOBRE - 4 NOVEMBRE 2020

 
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​TRANSPARENCES

Pour ce projet, le Groupe Intervention Vidéo (GIV) a invité la commissaire et collaboratrice de longue date, Nicole Gingras, à explorer les œuvres de la collection disponibles sur VUCAVU dans le but de réaliser une programmation spéciale. Accompagnée d'un texte critique, Transparences nous plonge dans le travail de deux artistes, Cathy Sisler et lamathilde : une affinité qui se tisse par le moyen du corps comme espace d’identité, de résistance et de vulnérabilité.

Le GIV est un centre d’artistes dont le mandat est de distribuer, diffuser et soutenir la production d'œuvres vidéographiques indépendantes réalisées par des femmes, dans sa définition la plus inclusive.


 

Transparences

Nicole Gingras

Commissaire, auteur

 

Transparences 

Une conversation imaginée entre les artistes Cathy Sisler et lamathilde par le biais d’une œuvre forte de leur vidéographie respective.

 

L’identité se constitue, entre autres, par le regard (l’attention) que l’on pose sur les êtres, les objets, les choses autour de soi. Ce regard a plusieurs fonctions. Il informe et renseigne ; il met en relation. Il est signifiant lorsqu’il accueille le retour du regard de l’autre. 

Cathy Sisler connaît la force du regard. Elle en a créé un registre recensant leur intensité et leur caractère : intéressé, patient, curieux, absent, distrait, indifférent, inquiet, distant, aveugle, anonyme… Elle sait aussi la force dévastatrice du regard de l’autre sur soi et semble avoir développé un sixième sens pour l’éviter ou le détourner, au besoin. 

Backwards, réalisée en 1992, est certainement l’œuvre de Cathy Sisler qui résiste le plus à toute personne qui l’expérimente. Cette vidéo défie le regard : la stratégie est simple mais radicale. L’artiste nous tourne le dos et lit en direct un texte. Il y est question de la surface d’un dos de femme, le sien, s’apparentant au dos de son père ; d’une relation entre un homme et une femme ; du fil ténu qui relie et sépare deux individus ; de la difficulté de parler de la douleur. Ce dos nu devient une surface à déchiffrer dans la durée de ce monologue récité sur le ton de la confidence. Obstacle à la vue, ce dos envahit presque tout l’écran ; il force le regard, résonne et invite à écouter.

Backwards annonce tout le potentiel performatif de l’artiste, dans sa retenue, son économie de moyens, dans son efficacité brute et sans détour. Présence opaque et mate, ce corps de femme ne demande rien ; il est là. 

Ce regard a plusieurs fonctions. Il informe et renseigne ; il met en relation. Il est signifiant lorsqu’il accueille le retour du regard de l’autre.

Le jeu du pendu de lamathilde, animation réalisée en 2010, repose sur une narration, écrite et récitée par l’artiste. La voix chaleureuse et incarnée de lamathilde établit une connexion forte avec la personne qui regarde la vidéo. Le jeu en question, le pendu, consiste à trouver un mot en devinant quelles sont les lettres qui le composent. Il se joue habituellement à deux, avec un papier et un crayon, selon un déroulement bien particulier. Rituel apprécié par les enfants, il lie mot et dessin. Avec cette courte vidéo, lamathilde nous propose deux mots à découvrir.

Le jeu du pendu révèle un récit autobiographique sur un mode enjoué et grave, soutenu par un travail d’écriture condensé et elliptique. Les vidéos de lamathilde sont souvent très courtes, concises et denses, certaines jusqu’au vertige. Le ludique et l’anodin y cohabitent avec une profonde présence existentielle. C’est tout un travail de la mémoire qui nous interpelle : mémoire d’un corps qui se souvient de la blessure et de la perte. 

Dix-huit ans séparent ces deux œuvres.

Cathy Sisler et lamathilde présentent, chacune à sa façon, un récit avec une même intensité et une même intégrité. Entre les deux artistes, entre ces deux femmes, plusieurs autres affinités : une pratique multidisciplinaire féministe assumée, une place privilégiée accordée à la voix, l’infiltration d’éléments autobiographiques, l’évocation de souvenirs qui donnent naissance à une œuvre, le corps comme vecteur de différences et de résistance, la vulnérabilité de l’être, une approche à la fois impitoyable et posée du trauma via un récit, un corps qui se fait violence et affiche sa fragilité.

Voilà donc une conversation imaginée entre Cathy Sisler et lamathilde par le biais d’une œuvre forte de leur vidéographie respective, deux vidéos qui m’ont marquée dès leur sortie et qui continuent d’exercer sur moi leur pouvoir de réflexion, d’attraction et de questionnement sur ce qui constitue les fondements d’une identité.

Nicole Gingras
Commissaire, auteure


Note de l’auteure 
Quelques passages de ce texte sont tirés de mon essai publié dans Cathy Sisler. La Femme Écran/The Reflexive Woman, monographie bilingue traduite par Susanne de Lotbinière-Harwood, accompagnant l’exposition éponyme pour laquelle je signais le commissariat ; une coédition OBORO, les éditions nicole gingras et le Centre d’Art Contemporain de Basse-Normandie (France), parue en 1997.


 

Cathy Sisler et lamathilde présentent, chacune à sa façon, un récit avec une même intensité et une même intégrité.

À PROPOS DES ARTISTES

lamathilde (aka Mathilde Géromin) vit à Montréal. Active sur la scène artistique montréalaise, elle développe un impressionnant corpus d’œuvres vidéo qui ont l’élégance de la sobriété et une profondeur qui se conjugue avec désinvolture. L’artiste y est sur tous les fronts : au tournage, à l’écriture des textes, à la voix hors champ, au montage, à la bande sonore et rarement devant la caméra. Son travail porte sur l’identité à travers le genre et la sexualité. Son intérêt pour le son se concrétise en devenant membre du collectif de performance WWKA (Women With Kitchen Appliances), de 2004 à 2019, et dans la réalisation d’une émission radiophonique, de 2002 à 2007. 


Cathy Sisler vit en Ontario. Artiste pluridisciplinaire, elle est appréciée pour ses vidéos, dessins, installations, performances et ses textes. Dans les années 1990 et le début des années 2000, elle développe différents personnages dont la femme toupie (Spinning Woman), la femme qui titube (Staggering Woman) et la femme qui tombe (Falling Woman). L’ensemble de son œuvre pose la question d’une fragilité à approfondir par la notion de double et de corps marginalisé. Elle a à son actif une douzaine de vidéos distribuées par le Groupe Intervention Vidéo (Montréal) et Vtape (Toronto). Son travail est présenté au Canada, aux États-Unis et en Europe. CJSisler travaille actuellement pour Start Me Up Niagara, un refuge pour les sans-abri, où elle collabore avec l’Art Garage : un espace où les gens de la rue sont invités à créer, faire de l'art et s'exprimer sans contraintes ni jugement.
 

À PROPOS DE LA COMMISSAIRE 

Commissaire, auteure et chercheure, Nicole Gingras développe des activités de diffusion de manière autonome et s'associe à diverses institutions (musées, galeries, centres d'artistes, festivals). Son intérêt pour les pratiques exploratoires en cinéma, vidéo, art sonore et art cinétique se concrétise dans des expositions et programmations majeures, des publications singulières et de nombreuses conférences, présentées sur les scènes nationale et internationale. 

 

VUCAVU remercie le GIV pour leur partenariat dans la création de ce programme.