Julie Perron réalise des documentaires d’exception qui portent pour la plupart sur des personnages hors du commun. Elle est apparue dans le paysage cinématographique avec Mai en décembre : Godard en Abitibi, un regard fascinant sur la tentative pour le moins surprenante de Jean-Luc Godard de déclencher une révolution télévisuelle à Rouyn-Noranda en 1968. Elle a également tracé le portrait d’une héroïne de la Résistance française avec Lucie de tous les temps et exploré le quotidien d’un artiste montréalais de renom avec Pierre Gauvin, un moine moderne. Le Semeur, son plus récent film, porte sur un semencier original qui allie les concepts de l’art avant-gardiste à ceux de l’agriculture.
Brendan Kelly : Comment avez-vous choisi les films dont vous vouliez discuter pour VUCAVU?
Julie Perron : Ce sont des coups de cœur. Les films qui me touchent en tant que spectatrice sont ceux qui nous parlent à tous. Ils doivent être faits avec le désir de communiquer quelque chose, de nous faire réfléchir sur la vie, d’exprimer des émotions. J’ai choisi plusieurs films québécois, car ce sont ceux que je connais le mieux. Il y a aussi des films provenant d’autres régions du Canada. L’art m’intéresse beaucoup, tout comme les portraits.
C’est pourquoi j’ai choisi le film de Jennifer Alleyn sur son père, L’Atelier de mon père (sur les traces d’Edmund Alleyn). C’est une œuvre documentaire époustouflante. La réalisatrice nous permet de découvrir en profondeur cet homme, tout en réfléchissant sur l’œuvre de son père (Jennifer Alleyn).
J’ai aussi choisi un film portant sur un danseur de baladi. J’ai l’impression qu’on peut se permettre de diffuser des films de ce genre sur VUCAVU. Je ne parle pas tant de la forme cinématographique que du désir de diffusion. Le film en question s’intitule La danse orientale avec un twiste (Belly Dance with a Twist) (Gilda Boffa).
Vient ensuite un film sur une jeune femme du Manitoba qui tente de faire avouer à sa grand-mère qu'elle est métisse. Il y a tant de générosité dans ce film, qui traite de la négation des origines autochtones métisses. Il s’intitule Mémère métisse (Janelle Wookey). L’aspect dramatique y est très fort.
Je me rends compte que j’ai sélectionné deux films sur les grands-mères, car j’ai aussi choisi Irène au cœur de lion (Joséphine Mackay), le récit d’une femme ayant pris part à la Seconde Guerre mondiale. Ce film a lui aussi été réalisé par sa petite-fille. J’ai aussi retenu le film La femme de l’hôtel de Léa Pool. Je me souviens l’avoir vu alors que je voulais à peine réaliser mes propres films et qu’il y avait encore très peu de femmes réalisatrices. Ça m’a renversée. J’ai vu ce film et j’ai pensé : « OK, les femmes réalisent elles aussi des films! ».
Le choix de ce film m’a aussi fait réfléchir sur la façon dont les films sont distribués au Québec. Il y a eu Cinéma Libre avant Les Films du 3 mars et ces derniers ont par la suite pris la relève de Cinéma Libre, qui était un joueur très important pour la distribution du cinéma québécois tandis qu’il passait, pour ainsi dire, de l’enfance à l’âge adulte. Les Films du 3 mars ont repris de nombreux films de l’ancien catalogue de Cinéma Libre, et Ceux qui ont le pas léger meurent sans laisser de traces (Bernard Émond) en faisait partie.
Ma sélection est plutôt éclectique et je n’ai pas tenté de l’analyser en profondeur. Par contre, je me rends compte que j’ai choisi des films réalisés plutôt par des femmes, des portraits, des films sur la relation entre l’art et l’identité. La seule chose qu’ils ont en commun, c’est que je les aime tous beaucoup! C’est aussi simple que ça.
J’ai vu ce film et j’ai pensé : « OK, les femmes réalisent elles aussi des films! ».