En effet, les œuvres cinématographiques retenues ne sont pas étrangères à ces conceptions et témoignent autant de l’élan jeune empli d’espérances poussant à embrasser le monde, de la voie qui nous définit que de l’œil accompli et bienveillant à l’égard de la route franchie. Mes préoccupations « d’apprentie anthropologue » tout comme mes intérêts pour les questions de cycles et de transformation et pour les liens qui nous unissent au territoire, aux paysages et à la nature donnent au corpus d’œuvres un esprit infusé de flânerie, de vagabondages physiques et imaginaires et d’une touche de mélancolie.
Par le biais de courts métrages – documentaire, films d’animation, essai et film expérimental – le programme " Rêves et quêtes " célèbre des aspirations, des rêves, des quêtes de sens, d’identité, des quêtes intérieures, individuelles et existentielles. Il parle de peurs, de manques, de désirs, d’affects, de voies, de transformations, de transitions, et de notre finitude aussi…Finalement, il offre un regard subjectif sur ce qui pourrait ressembler au passage de la vie : un chemin louvoyant, une longue traversée du paysage qui laisse des traces en nous mais aussi partout autour de nous.
The Dreamer
The Dreamer créé par John Paizs en 1976 est un film d’animation muet follement rythmé par une pièce musicale du groupe rock britannique Electric Light Orchestra. À partir de dessins rappelant l’esthétique des vieux films de Disney, The Dreamer raconte la cavalcade brève mais effrénée d’un éléphanteau rose aux ailes de fée. Entrant dans un château en dansant avec légèreté, il se trouve immédiatement poursuivit par un grand méchant loup muni d’ailes de chauve-souris. Cherchant à s’enfuir, le petit éléphant s’enfonce dans les dédalles de la demeure royale, le loup à ses trousses. La musique, omniprésente, appuie avec constance le suspense. Le petit éléphant se retrouvant coincé à la plus haute tour n’a finalement d’autre choix que de sauter dans le vide puis s’engouffre dans l’eau obscures qui ceinture le bas du château. Au dernier plan, il se réveille blotti dans les bras de l’un de ses parents, en pleine forêt, alors que gronde un orage. Ce n’était qu’un rêve.
Cette animation à la fois réjouissante et sombre reprend les codes et les symboles emblématiques des contes de fées classiques – château, créatures volantes, opposition entre le bien et le mal, par exemple –. Derrière la candeur du scénario et le montage serré se profilent de multiples pistes de lecture. J’y vois certes l’histoire d’un cauchemar nocturne mais aussi l’évocation accélérée d’un passage : celui de l’enfance naïve vers l’âge adulte, grave et soucieux. Le film suggère en mon sens un plongeon dans les profondeurs aqueuses de l’inconscient, peuplé de peurs, de démons et de désirs enfouis, et évoque l’approche de ce moment crucial où s’effectue le grand saut dans l’inconnu, amenant à quitter les bras parentaux rassurants pour aller vers l’incertitude, qui semble prête à nous avaler.
Cette animation à la fois réjouissante et sombre reprend les codes et les symboles emblématiques des contes de fées classiques...