REGENT PARK AU CINÉMA

Essai par Aashna Thakkar

Alors que le Festival du film de Regent Park célèbre ses 20 ans cette année, nous souhaitions saisir cette occasion pour réfléchir à propos de l’espace, du territoire et de la communauté où nous vivons. Situé au cœur du dynamique centre-ville de Toronto, Regent Park est le premier et le plus vaste projet de logement social au Canada, qui accueille les immigrants depuis le début du 20e siècle.

Bien que beaucoup de gens connaissent Regent Park comme un quartier en constante évolution depuis un peu plus d’une décennie, c’est une communauté qui est en transformation depuis toujours. Comme vous le verrez dans les films de ce programme, la constitution physique et le subséquent embourgeoisement du quartier ne sont pas tout ce qui est remis en question. Les cinéastes examinent également les impacts sur les individus, leurs emplois, leurs relations, leur sentiment d’appartenance, et leur perception d’eux-mêmes au sein de la ville dans son ensemble.

Lors de l’élaboration de ce programme, l’objectif était de créer une chronologie visuelle et une archive de Regent Park. Par conséquent, pour avoir un aperçu du Regent Park d’autrefois, Farewell Oak Street réalisé par Grant Mclean est le premier film que nous vous recommandons de regarder parmi cette série. Tourné en 1953, seulement quelques années après le développement du premier lot de logements sociaux à Regent Park, ce film est une fascinante capsule temporelle immortalisant ce moment de notre histoire. Raconté dans un style docu-dramatique, le film Farewell Oak Street de Grant Mclean nous apparaît aujourd’hui comme quelque chose qui s’apparente à de la propagande pour le Canada post-Deuxième Guerre mondiale, montrant une « nation prospère et pleine de ressources » en plein essor et qui s’efforce d’accommoder ses citoyens.  
 

Avançons dans le temps jusqu’à 2005 pour plonger dans Myths of Regent Park, un documentaire créé par un groupe de jeunes de Regent Park sous la supervision du Regent Park Focus Media Arts Centre, une organisation fondée en 1990 afin de lutter contre la propagation de désinformation et la stigmatisation des communautés à faible revenu. Ce film a été réalisé au moment de la Phase 1 du réaménagement de Regent Park — le même réaménagement qui en est aujourd’hui à ses phases 4 et 5. Myths of Regent Park illustre merveilleusement les questions que le groupe souhaitait aborder de façon informative et divertissante, exposant l’hypocrisie des stéréotypes qui persistent dans la représentation du quartier depuis des décennies. 

Dans Myths of Regent Park, vous remarquerez des changements drastiques dans l’apparence physique du quartier, mais aussi dans la démographie de ses résidents. Dans les années 1960, le quartier est passé d’un haut pourcentage d’immigrants européens à une variété de communautés de PANDC (personnes autochtones, noires et de couleur), qui demeurent toujours dans le quartier à ce jour.

 

Un peu plus d’une décennie plus tard, les deux prochains documentaires tournés à Regent Park sont My Piece of the CIty (2017), réalisé par Moze Mossanen, et Farewell Regent (2019), réalisé par Christene Browne. Vous verrez ici Regent Park comme le quartier « à revenu mixte » (les résidents de logements sociaux coexistent avec les résidents de logements au coût du marché) qu’il est aujourd’hui, où la majorité des traces du Regent Park original ont disparu (sauf certains des vieux édifices bruns au nord).

Ces deux films explorent plus en profondeur les effets très personnels de l’embourgeoisement sur la vie quotidienne des résidents. Il semblait important d’inclure ces points de vue dans le programme, car nous entendons souvent Regent Park être discuté et analysé de l’extérieur, alors que ce sont les gens qui y vivent qui ont le plus d’histoires et d’expériences méritant d’être partagées.

 

Le cinquième film de notre programme est Unarmed Verses (2016), réalisé par Charles Officer. Bien que ce film ne se déroule pas à Regent Park, l’histoire est familière et reflète les expériences de Regent Park. Ce documentaire dépeint la vie d’une fille de 12 ans et de sa famille au sein du quartier de logement social Villaways, à Toronto, qui est en plein réaménagement. Ce film présente la perspective d’une jeune personne que les circonstances forcent à assurer les responsabilités de sa famille, alors que des forces extérieures menacent de les évincer de leur maison.


- Essai par Aashna Thakkar